PABLO RUIZ PICASSO : Inventaire d'une vie (3ème partie)
La vie reprend peu à peu son cours à Montparnasse. Pablo se remet aux portraits et croque les amis retrouvés.
Il y a surtout un nouveau venu. Un transfuge du Paris mondain qui fait soudainement irruption dans la vie de Pablo. Il a 25 ans, il se nomme Cocteau, Jean Cocteau.
Guillaume Apollinaire est rentré du front, gravement bléssé, comme Georges Braque, il a été trépané.
Pablo arrive à Rome en 1917. Les ballets russes sont en résidence. Il découvre la vie d'une compagnie de ballet avec ses 60 danseuses. Les 60 étoiles de Diaghilev mais dont une seule l'éblouit. C'est une des plus jeunes de la troupe.
La pureté de sa beauté a subjugué Pablo . C'est Olga Khokhlova et il ne veut plus la quitter. Il la suit en Italie avant que la troupe arrive à Paris pour la première de "Parade".
Ceux qui s'installent un soir de mai 1917 dans le théatre du Châtelet y voient le grand rideau de scène peint par Picasso. Il a fait aussi le décor derrière le rideau. Férocement cubiste, il fera dire à un spectateur "si j'avais su que c'était si bête, j'aurais amené les enfants"
Picasso, Apollinaire, à la vie, à la mort. Deux inséparables qui au moment de se marier ne peuvent qu'être témoins, l'un de l'autre !
Après celui de Guillaume au printemps Pablo épouse en juillet 1918 la belle Olga qui a fait ses adieux à la troupe de Diaghilev.
Ses témoins sont les amis qui partagent sa vie depuis son arrivée à Paris : Jacob, Apollinaire et Cocteau.
Guillaume Apollinaire lui offrira un poème, en guise de cadeau :
"Mon Cher Pablo, La guerre dure, nos mariages sont les enfants de cette guerre et triomphants mais Dieu veuille nous secourir, nous ses enfants ardents et sages. Qu'il bénisse nos mariages, chaque poème, tout tableau et que plus tard, mon Cher Pablo, il nous admette avec nos femmes parmi les bienheureuses âmes qui constellent son firmament et chantent éternellement"
Quelques vers qui en réalité seront comme le testament d'une amitié qui va s'éteindre brutalement...
Le 11 novembre 1918 le pays entier fête enfin la victoire. Pablo tout à la joie de la capitulation allemande, reçoit une terrible nouvelle.
Apollinaire s'est éteint, emporté par la grippe espagnole dans une atroce agonie.
Le choc est immense pour Picasso qui a le réflexe comme pour conjurer le sort, de se dessiner tel qu'il se voit dans le miroir à cet instant précis. L'auto portrait pour mieux regarder la mort en face.
Pablo Picasso aura vécu en France plus de 60 années et pourtant à sa mort en 1973, il n'y a pratiquement aucune de ses toiles dans les musées nationaux. C'est grâce à Georges Pompidou que huit de ses toiles feront l'objet d'une première exposition, de son vivant, à la Galerie d'Honneur du Louvre
En 1966 pour organiser une rétrospective à l'occasion du 85ème anniversaire de Picasso, la France a du faire appel à l'artiste lui même mais aussi à des musées à l'étranger et à des collectionneurs privés. Comment choisir parmi des milliers de peintures ? Picasso lui même semble avoir guidé le choix tant il a classé, rangé et organisé , comme s'il avait toujours eu en tête ce qui devrait être exposé un jour dans les musées de ses rêves.
L'inventaire que réalise patiemment Maurice Rheims n'a donc pas uniquement comme enjeu d'aider à dénouer les fils d'un héritage complexe. Il doit aussi permettre à l'Etat de récupérer une part non négligeable des toiles découvertes. Une possibilité qui existe depuis qu'a été créee la loi dite de "la dation". C'est André Malraux, alors Ministre de la Culture du Général de Gaulle, en 1968, qui offre aux héritiers la possibilité de payer les droits de succession d'un artiste avec ses oeuvres. Roland Dumas sera l'homme de son héritage, il est son avocat.
L'Etat amputera de 20% ce que Maurice Rheims aura inventorié et comptabilisé avec patience.
Ses enfants se partageront le reste de cette fortune estimée à 1 Milliard 300 Millions de francs.
C'est en effet pas moins de 1885 peintures, 11 748 dessins, 6000 lithographies, 18 000 gravures, 1228 sculptures et 2800 céramiques qui donneront cet héritage faramineux. L'essentiel de ce gigantesque pactole ira à Jacqueline Gilet (sa dernière épouse) suivie de Bernard et Marina (les enfants de Paul, son fils ainé décédé). Maya, Claude et Paloma se partageront la moitié de la part qui serait revenue à leur frère ainé.
Il faudra attendre 2001 pour que les enfants nés hors mariage, aient les mêmes droits que les enfants légitimes.
Olga et Pablo commencent une nouvelle vie de jeunes mariés, digne d'une prospérité retrouvée.
Paul Rosenberg, galeriste, change la vie de Picasso en lui achetant année après année pour des centaines de milliers de francs, des toiles qui seront revendues en France et aux Etats Unis.
C'est lui également qui trouve aux jeunes mariés, à côté de sa galerie, rue de la Boétie, le bel appartement bourgeois qu'il fallait au couple.
Vie mondaine d'un artiste aujourd'hui reconnu. L'atelier est juste au dessus de l'appartement familial. Pablo se remet à peindre des portraits classiques.
L'épouse de Rosenberg
Ou Olga à la manière de Ingres.
Olga épouse comblée qui se perd parmi les toiles de Pablo, peintre hostile aux époques qui se chevauchent et se croisent avant, tout à coup de bifurquer vers de nouveaux horizons.
Olga est la première à subir la transformation que Picasso va désormais imposer à ses personnages.
Les corps s'alourdissent
Les mains sont gonflées
Picasso invente un peuple de géants qui, tout à coup, se mettent en mouvement sous nos yeux.
Pablo le géant, est en réalité comblé et gonflé d'orgueil par la nouvelle parternité que lui a offerte Olga.
Lui qui a déjà 40 ans est enfin papa d'un petit garçon, Paul, né en février 1921.
Le petit intègrera la création de Picasso.
Les années folles, le jazz, la liberté d'expression...
L'artiste pousse à son paroxysme la déformation des corps comme s'il voulait accompagner le mouvement surréaliste.
Mouvement initié par le jeune poète André Breton avec ses amis Paul Eluard et Aragon.
Ils ont désigné Picasso comme celui qui leur a ouvert la voie.
Ce tableau "La danse" 1925 est une peinture révolutionnaire qui fait basculer pour toujours l'oeuvre de Picasso. Une danse macabre qui voit ressurgir les fantômes du passé comme si pour Pablo tout n'était qu'un éternel recommencement. C'est Germaine qui danse et en haut, à droite, c'est Casajemas qui s'invite dans la toile.
L'amour chez Picasso ne peut être que mortel, la sexualité n'est que violence.
Même le baiser devient effrayant dans cette toile faite à la même période et qu'il a conservée toute sa vie.
Un jour de janvier 1927 Pablo dont les tensions avec Olga sont de plus en plus fréquentes, marche vers l'Opéra quand tout à coup il aperçoit une toute jeune fille. C'est le choc. Il pense avoir découvert le modèle parfait qu'il attendait.
Blonde aux yeux bleus, elle est entrée aux Galeries Lafayette. Il va la regarder depuis le trottoir sans la quitter des yeux, attendant sa sortie.
C'est Marie Thérèse Walter, elle a 17 ans et va bouleverser l'homme et bousculer l'artiste. Il va l'aborder, lui disant "Vous avez un visage intéressant et je sens que nous ferons de grandes choses ensemble".
Pas question que quiconque sache que l'artiste fait poser une jeune fille mineure.
Picasso débute une liaison torride et elle n'apparaitra dans ses tableaux que sous ses initiales MT.
Il l'emmène à Dinard comme Olga auparavant.
Cette toile révèle la dualité entre Olga la brune et Marie Thérèse la blonde
A la majorité de Marie Thérèse il se sent enfin libéré et peut désormais chanter les courbes et la nudité de celle qu'il aime.
Des chefs-d'oeuvres qui deviendront parmi ses toiles les plus célèbres.
Il va acheter le château de Bois Joli pour y travailler et cacher sa muse du regard d'Olga.
Olga et Pablo se séparent quand il apprend que Marie Thérèse attend un enfant.
Olga va perdre l'homme de sa vie. Pablo accélère les démarches du divorce. Pour Olga il est inimaginable de ne plus s'appeler Madame Picasso mais malgré ses contestations, il obtient la séparation. Et parce que le divorce sera bientôt impossible à obtenir pour un espagnol, Olga demeurera jusqu'à sa mort, Madame Olga Picasso. Pablo ne pourra donc jamais reconnaitre ses enfants à venir. Toutefois, Olga obtiendra le château de Bois Joli comme résidence pour elle et leur fils.
Le jeune père de 54 ans installe Marie Thérèse et sa fille dans une cage dorée.
Marie Thérèse l'accepte comme une femme soumise, aimante offerte à cet homme qui l'a faite passer de l'innocence à la maternité
Pablo lui écrit des lettres enflammées "Ce soir je t'aime encore plus qu'hier, et moins que demain je t'aimerai... Je t'aime..."
Mais le minotaure insatiable est déjà en train de dévorer une autre femme ...
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A suivre ... très bientôt ...
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